Les yeux de Caroline

Très récemment, Caroline, joueuse, par ailleurs brillante et passionnée, du Bridge Club Mirandais, modeste club gersois, membre de l’Association Bridge Gascogne, a été victime d’une infection qui lui a ôté la vue en deux jours.

Confrontés à cet événement malheureux, ses partenaires bridgeurs, sous la houlette du président Guy FORMENT, unanimement soutenu par son équipe dirigeante, et grâce à la totale implication de James PARKER, époux d’une des adhérentes du Bridge Club Mirandais, ont décidé de mettre en œuvre une expérience destinée à permettre à Caroline de continuer à jouer au bridge, conscients que ladite expérience pourrait s’avérer profitable à d’autres dans des circonstances équivalentes.

La décision première a été d’équiper Caroline d’un ordinateur portable, matériel indispensable pour pratiquer le bridge en présentiel malgré sa cécité. Cet ordinateur est équipé de la suite Windows, Word, Excel, etc. avec Office 365, de façon que les informations saisies sous Excel puissent lui être transmises oralement. Outre l’ordinateur, il a fallu investir dans des outils de communication (micro et écouteurs).

La procédure mise en place est la suivante :

Une assistante, prénommée Anna, saisit sous Excel la donne de Caroline. (La procédure complète de saisie et d’utilisation de cette application peut être mise à disposition).

Afin de permettre à cette solution de fonctionner, il a été décidé que Caroline serait assise systématiquement à la table 1 en Nord face à sa (ou son) partenaire et qu’elle aurait à ses côtés « Anna » qui provoquerait la lecture par Excel de la donne qu’elle aurait saisie et qui déposerait sur la table les enchères et les cartes que lui désignerait Caroline.

Anna joue donc le rôle des yeux de Caroline et obéit strictement à ses desiderata.

Tout ce petit monde a été installé dans une salle indépendante de façon à ne pas gêner les autres bridgeurs qui pourraient entendre les enchères et les commentaires de cette table, mais également procurer à Caroline l’ambiance silencieuse dont elle a besoin.

Chaque paire venant s’asseoir à la table 1 est tenue de se présenter, chacun des deux joueurs indiquant sa position (Est ou Ouest). Caroline est informée du numéro de la donne de l’identité du donneur et des vulnérabilités respectives.

À partir de cette installation, dès le début de la partie, l’ordinateur, par l’entremise d’Anna, dicte à Caroline les cartes de sa main. Puis, les enchères sont faites simultanément avec les boîtes à enchères et oralement chacun à son tour à haute voix. L’enchère ou la déclaration ainsi faite et le contrat déterminé, le mort annonce sa main.

Le jeu se déroule ensuite tout à fait normalement, chaque joueur annonçant la carte qu’il pose sur la table au fur et à mesure de l’évolution de la partie.

Cette expérience est-elle reproductible ? On est en droit de supposer qu’il existe un certain nombre de personnes aveugles ou dont la vue est déficiente, c’est pourquoi l’équipe mirandaise continue à travailler le sujet et notamment étudie la possibilité de récupérer, pour les tournois distribués par la machine à dupliquer, le fichier généré par la machine pour le transférer vers Excel afin de ne pas avoir à saisir les donnes et assure se tenir à la disposition de ceux qui le souhaiteraient pour leur donner éventuellement davantage de détails.